Serge Quadruppani

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Portrait de Jean-Patrick Manchette dans le roman noir contemporain en France et en Italie sous la forme d’un puzzle aux pièces incompatibles

samedi 26 avril 2008, par Serge Quadruppani


J’ai posé à une vingtaine d’auteurs italiens de roman noir que je considère comme figurant parmi les meilleurs, ainsi qu’à deux intervenants essentiels dans ce genre littéraire, les questions ci-après.

1) Qu’est-ce qui t’a plu chez Manchette et qu’est-ce qui a pu t’influencer ? L’écriture ? Le point de vue sur le monde moderne ? L’humour ?

2) D’après toi, quels sont les auteurs italiens influencés par Manchette. En général, Manchette a-t-il véritablement une influence ?

Directrice de la “Sherklockiana”, librairie milanaise spécialisée dans le polar et la seule de son genre dans toute l’Italie, animatrice l’un des plus importants festivals de polars d’Outre-Alpe, celui de Courmayeur (Val d’Aoste), éditrice, Tecla Dozio bénéficie depuis très longtemps d’un observatoire privilégié sur l’évolution du genre. Elle m’écrit :

“J’ai fait une petite enquête et je me sens en mesure de te dire que je crois qu’aucun auteur italien n’a été influencé par Manchette. Presque tous l’ont lu et l’adorent, mais presque tous l’ont lu après qu’ils aient déjà écrit et aient été publié.”

Cette opinion est nuancée par Luca Crovi, qui anime “Tutti i colori del Giallo”, la seule émission de radio grand public (Rai 3) sur le polar, et vieux connaisseur du genre, selon lequel “Il est trop tôt pour évaluer son influence exacte sur nos écrivains parce que tous n’ont pas encore eu le temps de le métaboliser.”

Massimo Carlotto, un des auteurs de roman noir les plus connus et appréciés, en Italie et ailleurs, va plus loin encore. A la question “Manchette a-t-il une véritable influence en Italie”, il me répond : “Je suis sûr que oui. Mais tu sais mieux que moi que les auteurs italiens n’admettent presque jamais d’avoir été influencés par d’autres auteurs.”

Il est vrai que la pénétration de Manchette en Italie est un fait récent, dû principalement au travail de son traducteur Luigi Bernardi, directeur de collection et éditeur, qui le fait publier chez Einaudi. On aura une idée du décalage avec lequel notre auteur a pu être perçu dans la péninsule avec le tableau suivant, le premier chiffre indiquant l’édition française, le second l’édition italienne.

Le petit bleu de la Côte Ouest1977 2002

La position du tireur couché : 1981 - 1998 (première éd.) 2004

Que d’os ! 1976 2004

O dingos, O châteaux 1972 2005

L’affaire ‘Ngustro 1971 2006

Nada 1972 2006

Fatale 1977 2007

La princesse de sang 1996 2007

Soit entre trente-cinq et onze ans de décalage !

Simone Sarasso, né en 1978 et auteur d’une intéressante et ambitieuse histoire des complots italiens des années 70 (Confine di Stato), explique : “Quoique me sentant un peu minable et cocardier, j’ai plus lu Scerbanenco que Manchette. Plus que l’écriture au sens large, je crois que j’ai été influencé (mais il est évident qu’il ne m’a pas influencé seulement moi mais les auteurs de deux générations précédentes), surtout par la ponctuation (il entend par là aussi plus généralement le rythme) de Manchette. Très peu française, si je peux me permettre.”

Sur la question de l’influence de Manchette, on peut laisser le dernier mot à Valerio Evangelisti, auteur de romans qui vont de la SF au roman noir en passant par le roman historique et animateur de Carmillaonline, le plus important site italien consacré à la littérature de genre.

“Mon impression est que Manchette, en Italie, a plus de succès auprès des auteurs que des lecteurs, vu notamment la modestie des ventes. Certains s’efforcent d’imiter son style (Luigi Bernardi), d’autres se proclament indirectement ses héritiers (Carlo Lucarelli, Marcello Fois, etc.) et autres variété de “manchettisme” italique.”

“Rien de tout cela n’est vrai. Qui a compris Manchette, selon moi, sait bien que ce patrimoine d’idées ne peut pas être utilisé tel quel. Parmi les imitateurs italiens de Manchette nous trouvons toujours que quelque chose manque : le style sans le radicalisme politique, le radicalisme politique sans la nécessaire charge de cynisme, l’humour sans le sarcasme, etc. Il y a quelques années, à Courmayeur, j’ai participé à un débat intitulé : “Y a-t-il un Manchette en Italie ?” Ma réponse fut : “Et pourquoi donc devrait-il y en avoir un ?” Mieux vaut utiliser ses propres moyens, pour tenir un discours en partie analogue, mais pas identique.”

Giuseppe Genna, auteur très atypique, notamment de romans noirs (l’inoubliable Catrame, le difficilement classable Au nom d’Ismaël), écrit : “En Italie, la modulation de Manchette ressort d’une influence, selon moi, seulement à travers Valerio Evangelisti, qui est le seul à savoir utiliser lexique et syntaxe avec une liberté privée de tics, exactement à la manière et avec la signification politique de Manchette. J’ajouterais les Wu Ming (auteur collectif, présenté plus loin, note de SQ), parce qu’ils sont contraints à travailler sur le style de manière à inventer une langue unique à partir de cinq têtes. Dans les deux cas, la précision et l’humour de Manchette ont ici en Italie ces héritiers principaux. L’autre nom que peut-être je mentionnerais est celui de Massimo Carlotto, mais l’influence de Manchette est plus diluée dans ce cas, parce que souvent Carlotto a des moments où je ressens que la langue n’est pas parfaitement contrôlée et où son ironie est beaucoup moins pénétrante et politique que celle du grand auteur français. En général, je dirais que l’influence de Manchette est un fait élitaire, mais sa pénétration est hors norme. Je crois décidément que le roman contemporain italien serait entièrement différent s’il n’y avait pas eu Machette. Elle est passée de manière karstique, parce que consciente des rhétoriques, alors que de très nombreux auteurs ne le sont pas et subissent les mutations rhétoriques imposées par des prédécesseurs qu’ils n’ont peut-être pas lus.”

Toujours à propos de l’influence manchetienne, Roberto Bui, membre du collectif de cinq auteurs appelé Wu Ming, très originale et féconde entreprise (voir leur site wumingfoundation.com), qui a donné quelque best-sellers en Italie et ailleurs, croise la conviction de Genna : “Le pacte sous-tendu est qu’aucun des auteurs consultés ne se site soi-même :-). Les écrivains italiens qui ont réfléchi sur Manchette, du moins publiquement, sont peu nombreux. L’exemple qui me vient à l’esprit est Valerio Evangelisti. Son style d’écriture est différent, mais il y a toujours cet effort de ramener tout aux rapports sociaux, qui est analogue à celui de Manchette.”

Giancarlo de Cataldo, auteur de nombreux romans noirs, dont l’un, Romanzo criminale, qui a pour décor l’Italie des complots des années 70-80 (traduit en français sous le même titre, chez Métailié) est aussi un best-seller et dont la suite prend le même chemin :

“Le plus manchettien de nous tous est Luigi Bernardi. Sa trilogie Atlante Criminale, en particulier la première histoire, Rosa Piccola, est fortement manchettienne : par la sècheresse, par l’hurmour noir et par cette incroyable tendresse de fond pour les paumés qui brille aussi dans les pages de Manchette.”

“Mais je ne crois pas qu’on puisse parler d’une influence générale de Manchette dans la “renaissance”, ou “naissance” si tu préfères, du noir italien. Ne serait-ce que parce que nous l’avons connu tard, très tard par rapport, par rexemple, à Simenon ou aux Américains”, qui ont exercé une influence sûrement de plus grande ampleur. Disons que nous commençons maintenant ) et la chose me concerne directement - avec Manchette. Mais je peux te dire que le fils de quinze ans d’une amie à moi cite par coeur “L’affaire ‘Ngustro” et “La position du tireur couché”, ce qui veut dire que résiste, dans Manchette, une modernité capable de le mettre en communications avec les plus jeunes, bien qu’il raconte des histoires qui, désormais, appartiennent à une autre époque.”

Une influence donc, qui commence à peine, et que chacun voit surtout chez les autres. Mais le fait qu’elle soit promise à un bel avenir, semble confortée par l’exégèse des auteurs quand ils s’attachent à décrire ce qui les séduit chez Manchette. De l’écriture, du point de vue sur le monde moderne ou de l’humour, Evangelisti déclare apprécier “les trois”. Et il ajoute : “Manchette travaille sur le langage jusqu’à le réduire à une essentialité qui est un mélage d’élégance et d’efficacité. Il ressemble un peu à Hammett, avec un plus grand raffinement, et nullement à Chandler. La critique du présent découle des faits, non du prêchi-prêcha, qui n’est jamais là. Son humour est en réalité sacarsme : c’est l’humour amer du battu. Pour toutes ces raisons, Manchette ne peut être imité, et ce serait une erreur de l’imiter.”

De Cataldo : “Chez Manchette, ce qui me plaît, c’est la sècheresse, l’économie des mots, les inventions continues qui ne laissent place à aucun temps mort. Le rythme, en un mot. Et j’aime le courage absolu de se salir les mains avec la politique, avec les affaires “noires” de l’Etat, et avec la conscience inquiète (parce qu’ils en ont une de conscience, et lui, il sait nous la faire voir) des criminels. Quant aux influences, si tu lis avec attention mes derniers écrits, tu verras, surtout dans Fuoco (un récit publié dans une collection de polars écologiques - NDT) et dans les nouvelles, un forte croissance de l’humour “noir”. Ce qui surprend le lecteur (ou du moins, essait de le surprendre). Bien. Cet humour me vient de l’étude et de la passion pour deux écrivains : Elmore Leoard et Manchette.”

Ce qui a séduit Roberto Bui, c’est “L’extrême soin dans le choix des mots à disposer le long de la phrase, et dans le choix des phrases pour le disposer le long du chapitre. Chaque mot est placé de manière à produire un effet ironique à l’intérieur de la phrase, et chaque phrase pour produire le même effet sur une échelle plus large, à l’intérieur du chapitre. Chaque séquence de ce type commence à la surface des choses pour ensuite aller en profondeur, à la base même des rapports sociaux, avec dérision, et il y a toujours (implicite ou explicite) le souhait que cette logique soit renversée, mise la tête en bas. La figure rhétorique qui en dérive est la même que celle du slogan soixante-huitard “sous les pavés la plage (en français dans le texte, note de SQ)” L’accumulation de ces figurs rhétoriques produit un “style insurrectionnel” qui a comme ancêtres le jeune Marx et quelquefois le Nietzche des aphorismes (seulement du point de vue formel, of course), et il est contemporain de l’art de l’affiche de 68. Je crois que cest cela qui rend Manchette si incisif. Je donne un exemple le chapitre 22 de Nada commence par la perquisition, exécutée par la police, de l’appartement de Buenaventura Diaz. Le commissaire Goémond a une expression funèbre et Manchette nous informe immédiatement que cela n’est pas dû à un sentiment personnel. Implicite : avoir une expression funèbre fait partie de sa fonction, de son rôle social et institutionnel. L’Etat a besoin de personnes qui ont une expression funèbre. En un clin d’oeil, nous sommes de nouveau à la base des rapports sociaux. Juste après, un de ses collaborateurs dit avoir trouvé une publication anarchiste, Noir et Rouge. Goémond le répprimande en lui disdant que c’est un livre de Stendhal (évidemment, la référence est Le Rouge et le Noir). Le collaborateur insiste et le convainc que c’est vraiment une publication anarchiste, et alors Goémond se justifie, il dit avoir confondu avec… La chartreuse de Parme. Sous-entendu : Goémond est un ignorant dans les humanités. Mais Manchette vient juste de nous avertir : nous parlons de lui non comme personne mais comme rôle social. Et l’Etat n’a pas besoin de flics qui soient versés dans les humanités et dans les matières littéraires. Le flic ne doit pas être un homme intégral, l’important que fonctionne une partie spécialisée de sa personnalité, le reste est superflu. Multiplions ce schéma par (au moins) cent et nous aurons une idée des raisons pour lesquelles Manchette est si subversif.”

Genna, lui, apprécie “La netteté stylistique, principalement, qui n’est pas seulement celle de la langue de surface, laquelle reste de toute façon une des plus parfaites que j’aie jamais lue. En réalité. En réalité, celle-ci a une portée, à mon avis, illuministe, vraiment illuministe : c’est la raison appliquée à l’expression, sans que la conscience devienne une algèbre. Les critiques (les Francais et ceux de ces dernièrs années surtout !) sont portés à penser que le style soit un principe d’individuation et de défense psychique. Manchette démontre deux choses : le style n’est pas individuation ou défense, parce qu’il peut être choisi ; le style existe en fonction de quelque chose d’autre. Cet élément ultime, indéterminé sur le moment, est ce qui me fascine chez Macette : il s’agit d’un shaekspearianisme cristallin. Ses trames, qui portent sur le rapport entre individu et collectivité, entre liberté et pouvoir, sont d’authentiques tragicomédies shakspeariennes, c’est-à-dire qu’elles rénovent le geste tragique, qui est toujours comique, quand les conditions de l’événement sont extrêmes. Tout fonctionne selon une innovation qui, selon moi, est révolutionnaire : le sacrifice du héros (un héros qui se tient au delà des paramètres normatifs de la morale commune, au-delà du bien et du mal) est un sacrifice inutile, même quand on arrive à une fin heureuse que, très amèrement, Manchette présente de manière ironique. Mais, si nous pensons que chacune de ses histoires est un acte politique, et pas seulement parce que chaque mitopoièse en est un, si nous réfléchissons sur le fait que ses noirs ne le sont pas vraiment quand on rejoint le sommet du polar, nous compenons que Manchette a vécu avec trente ans d’avance sur tout le monde, en dénonçant les mécanismes de pouvoir qui sont certes sociaux, mais aussi internes au texte. Il y a dans Fatale, un moment de l’histoire très noire que Manchette élabore, une sorte de vertige abyssal, un virage - c’est le moment où Machette anéantit tout le postmoderne et le citationnisme : c’est vers la fin du roman quand, au lieu d’employer le citationnisme dans un sens ironique (et donc défensif), il l’emploie dans un sens tragique : “Femmes voluptueuses et philosophes, c’est à vous que je m’adresse”. Avec bien le bonjour à Pynchon et à tous ses petits-enfants qui, de Pynchon, ont compris ce qu’ils ont voulu, et n’ont même pas lu Manchette.

Quant à l’influence sur mon écriture, ce n’est pas en surface que je peux pratiquer Manchette parce que, par tempérament, je ne réussis pas à contrôler un certain expressionnisme exubérant, à être aussi chirurgical, net, exact. Mais, quant à l’élément que j’ai appelé le shakespearianisme contemporain, je crois que Manchette a eu un rôle décisif - surtout Nada - dans le moment où je me suis mis à écrire du thriller ou du Noir.”

Loriano Macchiavelli, grand ancêtre du renouveau du polar italien à partir de ses bases bolognaises retient surtout l’aspect politique : “De Manchette, j’ai apprécié et j’apprécie plus la théorie sur le roman noir que la pratique. Je suis plus intéressés par ses idées sur le roman et par ses romans où je ne vois pas la réalistion de ses théories. Je partage certaines de ses affirmations telles que : le polar comme dénonciation de la crise de la société, le polar qui doit aller au-delà de la crise du roman, la victoire du capitalisme, le manque d’une force (ou d’une classe ?) qui puisse s’opposer au triomphe du capitalisme…”

Toutes ces considérations montrent une influence réelle sur un nombre réduit d’auteurs, certes parmi les meilleurs. Mais elles ne doivent pas nous aveugler sur le fait que le radicalisme politique et stylistique de Manchette (indissociables l’un de l’autre, voir mon texte Manchette, l’écriture de la radicalité) est parfaitement étranger à la grande majorité des auteurs de roman policier italien qui, au plan politique, se reconnaissent dans le centre gauche (majoritairement) ou le centre droit (plus subrepticement) et sur le plan de l’écriture, sont très loin de son exigence. C’est ce qui est fort bien exprimé par Santo Piazzese, auteur de romans situés à Palerme, qui a su trouver un public en France, notamment avec ses livres publiés au Fleuve Noir. Il m’écrit : “En Italie, on parle beaucoup de Manchette, et à mon avis, c’est un peu une mode. Personnellement, il ne me séduit pas, et il n’a pu certes pas m’influencer, ni comme écriture, ni comme thématique, vu que j’ai lu un seul livre de lui, et après avoir écrit les miens. La vision du monde qu’il fait émerger du livre me semble un peu talibane, même si ces derniers temps, on aurait tendance à dire qu’il a raison. En revanche, jai apprécié l’humour noir, très noir même”.

En cela, la situation italienne n’est guère différente de celle qui prévaut en France, où les auteurs de la génération qui ont connu les années 68 n’ont guère dépassé une vision gauchiste (qui se refléte dans le “néo-polar”) encore assez éloignée du radicalisme situationniste de Manchette, et où la génération suivante se cantonne, dans son immense majorité, à une vision du monde où l’anti-fascisme et l’anti-racisme représentent le maximum de politisation dont elle est capable.

Pour terminer, je laisserai la parole à un auteur français, un des rares de la génération post-68 qui a, selon moi, saisi en profondeur l’apport de Manchette. Auteur de romans noirs et de romans de SF, ainsi que d’un essai sur Frédéric Fajardie, Jérôme Leroy raconte :

« Manchette est une de mes premières lectures noires, vers quinze ou seize ans. En fait, je dois bien avouer qu’à l’époque, le noir américain ne m’intéressait pas, je ne comprenais rien aux intrigues de Chandler et de Hammet et Thompson ou Goodis me semblaient se passer dans un monte tellement étranger que je n’arrivais pas à accrocher aux personnages. Je ne lisais donc que du polar français pour le pire souvent ou le meilleur parfois. Je me camais au Spécial Police du Fleuve noir acheté d’occase su tous les marchés de France et de Navarre. jusqu’au jour où je tombe dans l’hideuse édition Carré noir sur L’affaire N’gustro. l’histoire se passait à Rouen ma ville natale. j’ai tout de suite été enchanté par l’humour, l’hyper violence et l’aspect politique de Manchette. Ce doit être à la même époque que je vois à la télé Nada de Chabrol, film qui me passionne et je m’aperçois vite qu’il s’agit d’un roma de Manchette qui a servi de scénario.

Depuis ce jour, j’ai lu et relu tout Manchette. Combien d’auteurs de romans noirs RELISONS nous ? La relecture d’un auteur, c’est ce qui fait de lui un classique.

Je suis évidemment fasciné chez Manchette par la dimension expérimentale. Pour moi ce n’est pas péjoratif. C’est la recherche d’une forme adéquate pour rendre compte des transformations sans précédent de la société française pompidolo-giscardienne qui nous fait passer dans le monde d’après, celui du spectaculaire intégré (Debord).

Je tiens Fatale pour un des très grand roman de l’après guerre, où Manchette comme tout écrivain novateur veut pousser sa méthode jusqu’à ses limites ultimes, comme on teste la résistance d’un matériau nouveau(cf Flaubert avec Bouvard et Pecuchet)

Il reste donc à la fois le témoin irremplaçable de ces années là et aussi un "maître" au sens où le roman noir reste pour lui le genre priviligié pour les "expérimentations utiles", celles qui donnent une méthode pour appréhender les mutations constantes de la réalité. Mais, comme tous les écrivains authentiques, il "stérilise" sa postérité(cf la tragédie après Racine ou les épigones de Céline ou de Proust.)

Il faut lire Manchette, s’y référer mais jamais tenter de l’imiter, ce serait du pastiche(autre signe du style, la possibilité d’être pastiché) »


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