Serge Quadruppani

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Les années 70 en Italie

Première partie (1968-1976)

lundi 21 juin 2004, par Serge Quadruppani

Malgré sa richesse informative et son point de vue incisif, la chronologie qui suit, traduite de la revue Insurrezione et ajournée sur quelques points à la traduction, ne peut donner qu’une vision très partielle de ce qui s’est passé dans l’Italie des années 70 (et qui, dans certains secteurs, s’est prolongé bien au-delà). Par son caractère de masse, par sa durée et sa profondeur, ce fut sans conteste le plus vaste mouvement social anticapitaliste d’après la Seconde guerre mondiale. Une simple défilé d’événement ne saurait rendre compte de tous les aspects d’une époque : il y manque, par exemple, les luttes sur le logement, la présence dans les quartiers, les manifestations des indiens métropolitains, et surtout les aspects les plus créatifs (dans les discours, l’art, le mode de vie, les formes de lutte). On n’y perçoit pas non plus assez les débats (notamment sur la lutte armée) et l’effort de renouvellement de la critique sociale (notamment la compréhension du post-fordisme), dont l’époque fut porteuse, et qui nous nourrit encore. Il n’en demeure pas moins qu’un point décisif se dégage de cet historique : si ces années de combats, de libération, de gaieté et d’espoir fous, furent aussi des années de plomb, ce qui contribua à les plomber, ce fut pour l’essentiel la répression étatique et les menées des pouvoirs occultes (liés à l’Etat, au patronat et à la CIA). Quelles que soient les critiques que les organisations armées ont méritées à l’époque, quelle que soit l’appréciation qu’on porte aujourd’hui sur le recours à une violence et à une phraséologie « militaire », il est indispensable de comprendre sur quel terrain d’affrontement social, de luttes de classes exacerbées, ces pratiques sont nées. A l’heure où des gouvernements se cherchent une légitimité qui leur échappe dans une fantasmagorie « anti-terroriste » en tentant de criminaliser les rescapés de la répression italienne en France, ce rappel est fondamental.

1968

JANVIER-FÉVRIER :

 occupation du palais Campana (faculté des Humanités de l’université de Turin), le 11, c’est le tour de Padoue, puis suivent Pise, Florence, Lecce, Sienne et Trente. En février, occupation d’autres facultés à Rome, Naples, Pavie, Messine et Bologne. A la fin du mois, 27 facultés sont occupées. Dans les mois suivants, presque toutes les universités restent dans un état d’agitation permanent. La répression des recteurs et les évacuations par la police n’affaiblissent pas la force d’attraction du « mouvement ».

MARS

 1er : A Valle Giulia (Rome), durs affrontements entre quatre mille étudiants qui veulent rejoindre la fac d’architecture, et la police. C’est le premier cas éclatant de réaction des étudiants aux violences des forces de l’ordre. 4 personnes arrêtées et 228 interpellées.
 Avec l’occupation du lycée Parini de Milan, le 5, démarre aussi dans le deuxième cycle des lycées une agitation qui atteindra son apogée l’automne suivant. A Rome, le 16, un groupe de fascistes du FUAN, menés par Giorgio Almirante tente un assaut contre l’Université. Repoussés, ils se réfugient dans la fac de droit. Roberto Barone et Oreste Scalzone, deux dirigeants du mouvement étudiant romain, sont sérieusement blessés dans les affrontements.

AVRIL

 le 19, à Valdagno (province de Vicenze), durs affrontements entre la police et les ouvriers de Marzotto, qui sont depuis déjà un bon moment en grève contre le plan de restructuration de l’entreprise, qui prévoit l’augmentation des rythmes de travail et des restrictions de personnel. Les ouvriers abattent la statue du fondateur de l’entreprise, le comte Gaetano, symbole de l’oppression et du paternalisme maison, avant de piller la ville (Valdano est sous le talon d’un odieux truck-system par lequel toute la distribution et les services sont contrôlés par les magnats Marzotto). Le préfet interdit toute manifestation en ville pour huit jours. Le mois suivant, le syndicat signera un accord qui, en échange de larges concessions contractuelles, prévoit le licenciement de 850 ouvriers.

JUIN

 Dans le numéro daté du 6, de Rinascita (revue du PCI), Giorgio Amendola attaque le mouvement étudiant naissant en le définissant comme une « résurgence d’infantilisme et d’anarchisme ». Le 8, le mouvement étudiant de Milan tente de prendre d’assaut le Corriere della Sera, accusé d’avoir lancé une campagne diffamatoire et provocatrice contre la contestation. Les bagarres continuent jusque tard dans la nuit. Le lendemain, le journal sortira avec 4 heures de retard.

SEPTEMBRE

 1-3. Carrara : Congrès de l’Internationale anarchiste, auquel participe le calamiteux Cohn-Bendit, sous les projecteurs de la presse et de la télé. Ce sont les jeunes anarchistes français qui rejettent la « tradition libertaire », et, en cela d’accord avec les situationnistes, toute barrière théorique et organisative avec le marxisme. L’automne de lutte est annoncé par la grève très suivie de Pirelli Biccoca à Milan, le 3 contre le travail à la pièce et l’augmentation des cadences (là, les grèves se poursuivront tout l’hiver, relançant aussi la pratique de l’« autoréduction de la production »). Les CUB (Comités unitaires de base) deviennent vite hégémoniques. Pirelli sera bientôt rejoint par l’usine Saint Gobain de Pise (durs affrontements à l’usine le 15), où les ouvriers sont menacés de licenciements.

NOVEMBRE

Le samedi 2, se tient le séminaire des groupes de catholiques dissidents à Rimini. A sa tête, Lidia Menapace, qui quelques mois auparavant avait spectaculairement abandonné la Démocratie chrétienne. Le séminaire met en évidence l’évolution du mouvement vers des positions « anticapitalistes ».

DÉCEMBRE

 Le 2, à Avola (province de Syracuse), la police attaque avec des armes à feu un cortège de dix mille ouvriers agricoles en lutte pour de meilleurs salaires. Deux d’entre eux, Giuseppe Scibilia, 47 ans et Angelo Sigona, 28, restent sur le carreau. Le 7, la première de la Scala est contesté par un groupe de trois cents militants du mouvement étudiant emmenés par Mario Capanna, qui veulent dénoncer le consumisme indifférent de la bourgeoisie milanaise, au mépris des dures luttes et des souffrances des travailleurs. Le 31, une contestation de même teneur, déclenchée par des étudiants toscans devant la Bussola à Marina di Pierrasanta (près de Lucques) finit tragiquement. La police tire et blesse l’étudiant Soriano Ceccanti, 17 ans, qui restera paralysé. Pendant la période de Noël, des « conseillistes » avaient manifesté contre le consumisme des achats de fin d’année à la Rinascente (grand magasin) de Milan.

 1969

FÉVRIER

 Du 8 au 15, XIIe congrès du PCI. Le débat se concentre sur la contestation de la jeunesse en train de se répandre, sur les rapports avec le centre-gauche, sur la question du droit au désaccord dans le parti. (...) Dans le rapport introductif de Longo, l’émergence du mouvement étudiant est insérée dans le cadre des alliances sociales que la classe ouvrière doit construire autour d’elle. Mais, vu la radicalité de la protestation en cours, la prudence s’impose : « Nous savons bien qu’à l’intérieur des mouvements présents sont parfois avancées des idées et des tendances que nous ne défendons pas.... » A Rome, le 27, durant la visite de Richard Nixon en Italie, durs affrontements des manifestants avec la police. Les fascistes lancent contre le Magistero (école normale) un tir soutenu de fusées. Pour y échapper, l’étudiant de gauche Dominico Congedo se jette d’une fenêtre et se tue.

MARS

 Le 13, durant la grève des ateliers auxiliaires de la Fiat, entre en action l’ouvrier masse (la dernière vague d’embauches à la Fiat remonte justement à cette période, avec l’entrée à l’usine de 15000 nouveaux employés, pour la plus grande partie méridionaux). La grève s’étend à d’autres secteurs, les « petits chefs » sont cloués au pilori, les ouvriers brandissent des pancartes improvisées et crient « pouvoir ouvrier ». Dans les semaines suivantes, la lutte s’étend, malgré la tentative du syndicat de signer un accord à la baisse le 29 mai. Le nouvel accord de juin sanctionnera de fait la naissance des Conseils d’usine.

AVRIL

 Le 9 avril, à Battipaglia, province de Salerne, durant une manifestation contre la fermeture de la Manufacture des Tabacs, qui entraînerait la perte de travail de 800 ouvriers, la police tire contre le cortège, qui avait donné l’assaut à la mairie. Deux manifestants tués, 200 blessés.

JUIN

 Le 9, arrestation à Milan de Turi Toscano et de Mario Capanna, dirigeants du Mouvement étudiant, pour l’« enlèvement » en mars de la même année du professeur Trimarchi accusé d’autoritarisme par les étudiants.

JUILLET

 Le 3, sur le Corso Traiano, près de la Fiat Mirafiori, durant une manifestation syndicale pour le droit au logement, des groupes d’ouvriers liés à l’organisation naissante Lotta Continua, se détachent du cortège et s’en prennent à la police au cours de violentes bagarres qui durent de nombreuses heures. Les dernières barricades sont démantelées à l’aube. A la fin de la journée, on compte 70 blessés et 160 interpellés.

AOÛT

 Le 1er, les ouvriers de l’atelier 32 de Mirafiori à Turin entrent en agitation, demandent des augmentations immédiates de salaire, mettent en fuite les membres du comité d’entreprise qui voulaient les phagocyter. Le 3, la Fiat suspend 20 000 ouvriers (les suspensions atteindront 40 000). Le 5, les suspensions sont annulées. Début de l’automne chaud. Selon l’ISTAT (Institut national de la statistique), à la fin de l’année, il y aura eu un total de 7 millions de grévistes pour un total de 300 millions d’heures de grève.

OCTOBRE

 Le 10, occupation autonome de Mirafiori. Violents affrontements entre ouvriers et policiers devant les portails. Le 29, pour fêter le salon de l’auto, cortèges internes avec destruction de pièces et dévastations des installations. Le 27, à Pise, à la suite d’une manifestation antifasciste, violentes bagarres avec les forces de l’ordre, étendues à tous les quartiers de la ville. L’étudiant Cesare Pardini est tué d’une lacrymogène à tir tendu.

NOVEMBRE

 Le 19, à Milan, la grève générale pour le logement se transforme en une journée de guerilla urbaine. Au cours des bagarres, via Larga, meurt l’agent de police Antonio Annarumma. Le 21, ses funérailles sont l’occasion d’une agressive descente dans la rue de la future majorité silencieuse et des néofascistes, qui contrôlent le centre-ville durant tout l’après-midi.

DÉCEMBRE

 Le 12, piazza Fontana, à Milan, bombe à la Banca dell’Agricoltura : 17 morts, 28 blessés. Le même jour, à Rome, deux autres explosions, à la Banca nationale del lavoro et à la statue du soldat inconnu, pas de victimes. Le 15, dans le cadre des enquêtes sur la « piste anarchiste », l’interpellation de Giuseppe Pinelli, cheminot, militant anarchiste, se transforme en assassinat. Son corps est retrouvé écrasé dans la cour de la Questure (préfecture de police) de Milan. Le lendemain, Pietro Valpreda, danseur, militant anarchiste, est arrêté et accusé d’être l’exécuteur matériel du massacre de la piazza Fontana. A Rome, arrestation de 14 autres militants anarchistes. Le 21, signature d’un accord après la plus âpre confontration syndicale de l’après-guerre, le Contrat national des métallurgistes : 40 heures hebdomadaires à atteindre en trois ans, augmentations égales pour tous, réglementations sur les heures supplémentaires, etc.

 1970

MARS

 Le 11, durant une grève du textile, le patron Giuseppe Chiccarello et son fils tirent contre les ouvriers de Torrebelvicino (province de Vicenze). Dix blessés.

MAI

 Le 14, approbation définitive par les deux chambres du Statut des travailleurs. Le PCI s’abstient. Le législateur entendrait avec cet ensemble protéger les droits constitutionnels des travailleurs à l’intérieur des usines (droit de constitution de représentations syndicales à l’intérieur de l’usine, impossibilité de licenciement sans une raison juste(*), libertés politiques et religieuses, etc.) Dans les faits, le Statut est la retombée parlementaire des nouveaux rapports de force instaurés dans les usines par les luttes lors des deux années précédentes.

SEPTEMBRE

 Le 7, avec au moins quatre attentats à la dynamite, commence à Reggio de Calabre la deuxième partie de la révolte (la première en juillet avait été conduite facifiquement par les notables démo-chrétiens de la région) pour que Reggio devienne chef-lieu de province. A présent, l’hégémonie sur le mouvement revient au boss fasciste local du mouvement « Boia chi molla » (« Salaud qui se dégonfle »), Ciccio Franco. Durant tout l’automne, la ville et en particulier le quartier prolétaire de Sbarre, sont le théâtre de barricades et de très violents affrontements avec la police ; les sièges du PSI et la perception communale sont pris d’assaut. Seule l’intervention de l’armée réussira avec le temps à ramener le calme.

DÉCEMBRE

Une conférence de presse de Gianni Agnelli traite de la« question de l’absentéisme » : « A Turin, tous les matins, 18 000 ouvriers sont absents. » La Cofindustria (organisation patronale) reviendra avec insistance sur ce thème ainsi que celui du coût du travail, au cours des années suivantes. Dans la nuit du 7 au 8, mystérieuse et farcesque tentative de coup d’Etat conduite par Valerio Borghese jr. ancien chef de la Xe flotte MAS (torpilleurs) durant la République sociale italienne (République de Salò), à présent chef d’un maigre groupuscule d’extrême-droite, le Fronte nazionale. Son groupe de gardes forestiers et d’ex-parachutistes occupe quelques heures le Ministère de l’Intérieur pour ensuite l’abandonner, sans coup férir, aux premières lueurs de l’aube. Le 12, la manifestation pour l’anniversaire du massacre de la piazza Fontana, et la queue de la manifestation anarchiste pour les six militants de l’ETA condamnés à mort en Espagne, sont suivies de très violentes bagarres entre la police d’une part et les anarchistes et le mouvement étudiant d’autre part. Une lacrymogène à tir tendu tue l’étudiant Saverio Salaterelli, militant du Parti communiste internationaliste (Révolution communite).

FÉVRIER

 A Catanzaro, au moment de la dispersion d’un cortège antifasciste, attentat à la bombe : 1 tué, l’ouvrier socialiste Giuseppe Malacaria, 7 blessés. Mars Le 26, au cours d’une attaque à main armée, Mario Rossi, membre du groupe armé d’extrême-gauche XXII Ottobre tue un petit employé de la IACP (Istituto autonomo delle case popolare - office HLM). Durant le mois d’octobre de la même année, le groupe est démantelé par la police grâce, entre autre, à des infiltrés néo-fascistes.

1972

MARS

 Le 3, à Milan, Idalgo Macchiarini, dirigeant de la Siemens, est enlevé par les Brigades rouges (BR) et relâché après quelques heures. C’est le première action d’envergure nationale des BR.
 Le 8, la traditionnelle journée de lutte est marquée par de grandes manifestations dans toute l’Italie. A Rome, le cortège, ouvert par une banderole qui proclame : « Pas de révolution sans libération, pas de libération sans révolution », subit de dures charges de la police. Le mouvement féministe se bat pour la défense du droit au divorce, revendique une loi pour le droit à l’avortement et contre la violence sexuelle.
 Le 11, à Milan durant une manifestation réclamant la libération de Pietro Valpreda et pour empêcher une réunion du MSI, appelée par toute la gauche extraparlementaire, de violents affrontements éclatent, alimentés principalement par Potere Operaio qui veut mettre ainsi en pratique sa ligne « insurrectionnaliste ». A cette occasion, un retraité, Giueseppe Tavecchio, est tué par une lacrymogène.
 Du 13 au 17, à Milan, XIIIe Congrès du PCI, qui sanctionne le changement de direction. Enrico Berlinguer, qui succède à Luigi Longo, ne manque pas, à l’approche des élections anticipées de mai, de lancer une violente attaque contre l’extrême-gauche.
 Le 14, à Segrate (province de Milan), au pied d’un pylône, on retrouve le corps déchiqueté de l’éditeur Gianfrano Feltrinelli. Une partie de l’extrême-gauche accusera au début les services secrets et la police. Plus tard, la thèse majoritairement acceptée sera que l’éditeur est mort en plaçant de la dynamite pour un attentat. Depuis longtemps, Feltrinelli était convaincu que la situation italienne évoluait vers un régime autoritaire de droite et pensait qu’il fallait commencer à agir clandestinement. Il avait crée dans ce but une organisation clandestine (GAP - Groupes d’action partisane). Gianbattista Lazagna, métaille d’or de la Résistance, sera soupçonné par la magistrature d’en avoir fait partie.

MAI

 La campagne électorale, centrée par les partis modérés et de droite sur le thème de l’ordre public, connaît une fin tragique.
 Le 5, très violents affrontements consécutifs à une manifestation de Lotta Continua qui voulait empêcher une réunion électorale du MSI Giuseppe Niccolai. Le 7, Franco Serrantini, vingt ans, frappé par la police durant la manif, meurt en prison juste au moment où s’ouvrent les bureaux de vote pour les premières élections anticipées de l’histoire de la République italienne. Elles favorisent la campagne pour la loi et l’ordre, menée par le « fascisme en complet trois pièces » de Giorgio Almirante qui bondit de 4,4% à 8,7%.
 Le 17, à Milan, le commissaire Luigi Calabresi est tué devant chez lui. Depuis longtemps Potere Operaio et Lotta Continua menaient une campagne insistante qui identifiait dans le commissaire le responable au moins moral de l’assassinat de Pino Pinelli. Le lendemain de l’attentat, le quotidien de LC écrit : « Le meurtre politique n’est certes pas l’arme décisive de l’émancipation des masses (...) de même que l’action armée clandestine n’est certainement pas la forme décisive de la lutte de classe dans les phases que nous traversons. Mais ces considérations ne peuvent absolument pas nous pousser à déplorer le meurtre de Calabresi, geste dans lequel les exploités reconnaissent leur propre volonté de justice. » En 1988, Leornardo Marino, ex-militant de LC et ex-ouvrier de la FIAT s’auto-accusera d’avoir matériellement exécuté l’attentat en même tamp qu’Ovidio Bompressi tandis qu’il indiquera en Adriano Sofri et Giorgio Pietrostefani, alors dirigeants de LC, les commanditaires. En 1996, les accusés, qui, entre-temps, s’étaient rangés des voitures (Sofri s’est rapproché des socialistes), se sont déclarés innocents et ont été défendus par une grande mobilisation d’intellectuels. En 1996, les accusés ont été condamnés définitivement.

JUILLET

 Le 7, à Salerne, un groupe de fascistes agresse un jeune étudiant de gauche. Le militant anarchiste Giovanni Marini, intervenu pour le défendre, frappe à mort le nervi Franco Falvella. La campagne de l’extrême-gauche pour lui faire reconnaître son état de légitime défense n’empêche pas Marini de prendre 14 ans de prison.
 Le 27, l’ouvrier de LC, Mario Lupo est assassiné à Parme dans un guet-apens tendu par les néofacistes.

AOÛT

 Le 28, Frano Freda et Giovanni Ventura, deux personnages connus de l’extrême-droite sont accusés d’être les auteurs du massacre de la piazza Fontana. Les constructions de l’accusation contre les anarchistes s’effondrent. Dans les années suivantes, remonteront à la surface les collusions, les dissimulations, l’effacement de pistes opérés par les appareils d’Etat et les services secrets autour du terrorisme noir en Italie, l’alliance des fascistes et de secteurs étatiques dans une des manœuvres visant à freiner la vague de lutes ouvrières dans le pays (« stratégie de la tension »).

1973

JANVIER

 Le 23, durant des incidents devant l’université Bocconi de Milan, Roberto Franceschi, militant du mouvement étudiant est tué d’une balle dans le dos par la police.

FÉVRIER

 Le 21, lors d’une manifestation à Naples contre la réintroduction de la garde à vue, Vincenzo Caporale, militant du Parti communiste d’Italie (Lutte de longue durée), est tué par une grenade lacrymogène à tir tendu de la police.

MARS

 Le 16, accord patronat-syndicats sur un nouveau contrat pour les métallurgistes. Pour la première fois, le patronat du secteur a constitué sa propre organisation : la Federmeccanica. Le 29, les ouvriers qui font référence à Lotta Continua occupent de manière autonome la FIAT Mirafiori.

AVRIL

Durant une manifestation du MSI interdite par la Questure, à laquelle participe aussi le chef de « Boia qui molla ! », Ciccio Franco, l’agent de police Antonio Marino est tué par une grenade. Dans les jours suivants, la fédération milanaise du MSI se décharge de toute responsabilité sur des milieux qui « n’ont rien à voir avec le parti », met un contrat sur les auteurs du meurtre et enfin, les dénonce. Les deux jeunes sanbabilini (de San Babila, nom d’une place qui, dans les années 70, était contrôlée par diverses bandes de jeunes de la droite outsider, qui en faisaient une zone interdite à quiconque, de près ou de loin, pouvait sembler de gauche), Vittorio Loi et Maurizio Murelli furent condamnés à des peines préventives, qui en firent des paratonnerres de la cynique opération de Pisanò et Servello. Le 16, dans la nuit, un incendie éclate chez le secrétaire de la section MSI de Primavalle (Rome). Deux de ses enfants, Virgilio et Stefano Mattei, meurent carbonisés. Le 7 mai, la magistrature incriminera pour les deux meurtres trois militants de Potere Operaio : Achille Loro, Manlio Grillo et Marino Clavo. En 1986, tous trois seront condamnés définitivement à 18 ans de détention.

MAI

 Le 17, Gianfranco Bertoli, anarchiste individualiste, jette une bombe durant une manifestation institutionnelle pour l’anniversaire du meurtre de Calabresi, à laquelle assiste le ministre de l’Intérieur Rumor. 4 tués.

SEPTEMBRE

 Le 12, imposantes manifestations dans toute l’Italie contre le coup d’Etat au Chili. L’Italie, pour le moment, ne reconnaît pas le nouveau régime de Santiago. C’est l’occasion pour Berlinguer de faire paraître trois articles dans l’hebdomadaire du parti la Rinascita, dans lesquels il présente la stratégie que la presse appelera « le compromis historique » : alliance du PC avec la Démocratie chrétienne pour gouverner.

DÉCEMBRE

Le 15, à l’aéroport de Rome, un groupe de militants palestiniens attaque un Boeing américain, tuant 32 passagers. Les palestiniens réussissent à se réfugier au Koweit avec des otages qu’ils libèreront ensuite.

1974

AVRIL

 LE 18, Mario Sossi, procureur au procès contre le groupe de lutte armé de gauche XXII Ottobre est enlevé par les BR à Gênes. Le 23, la demande des BR d’arrêt des enquêtes est acceptée par le procureur en chef de Gênes, Lucio Grisolia. En outre, la Cour d’appel de Gênes concèdera la liberté provisoire et l’autorisation de détention de passeport aux huit militants du XXII Ottobre, cédant ainsi aux exigences des BR qui, le 23 mais, relâcheront Sossi.

MAI

 Le 9, révolte des détenus de la prison d’Alessandria. L’intervention des carabiniers sous la direction du général Carlo Alberto della Chiesa se traduit par 7 morts et 14 blessés.
 Le 28, bombe contre une manifestation syndicale, piazza della Loggia, à Brescia : 8 morts. Les responsables n’ont jamais été identifiés.

AOÛT

 Le 4, à hauteur de S. Benedetto Val di Sambro (province de Bologne), une bombe explose sur le train Italicus qui relie Rome-Münich : 12 morts, 48 blessés. Les responsables n’ont jamais été identifiés.

SEPTEMBRE

 Fabrizio Caruso, 19 ans, meurt dans les affrontements entre la police et des squatters à San Basilio (les occupations de maison étaient organisées par des collectifs autonomes). Le même jour, Renato Curcio et Alberto Franceschini sont arrêtés à Pinerolo (province de Turin) grâce à la trahison de « frère mitraillette », un religieux, agent provocateur infiltré par les carabiniers dans les BR.

OCTOBRE

Le 2, la FIAT met au chômage 65 000 ouvriers. C’est le signal le plus spectaculaire de la fin de l’ère de plein emploi, de l’attaque qui commence contre les acquis des luttes de la classe ouvrière dans les années précédentes, du début de la restructuration.

NOVEMBRE

La Cour constitutionnelle déclare inconstitutionnels les articles du Code pénal qui interdisent la grève politique.

1975

JANVIER

Le 25 est signé l’accord entre la Cofindustria et les syndicats, qui instaure l’indexation des salaires et l’accrochage des retraites aux dynamiques salariales. L’organisation patronale juge positivement l’accord qui devrait permettre de contenir la combativité ouvrière, alors que l’économiste Modigliani prévient, dans les colonnes du Corriere que l’indexation donnera un « nouveau coup de fouet à l’inflation ».

FÉVRIER

 Le 18, Renato Curcio s’évade de la prison de Casale Monferrato (province d’Alessandria).
 Le 28, Miki Mantakas, 21 ans, militants du FUAN, est tué à coup d’arme à feu durant une tentaive d’assaut menée par des jeunes de la gauche extra-parlementaire contre un local du MSI. Accusé du meurtre, Alavaro Lojacono, 20 ans, se met en cavale. Lotta Continua définit Mantakas comme un « délinquant nazi » et décrète : « Les fascistes ont récolté ce qu’ils avaient semé ».

MARS

Le 13, Sergio Ramelli, militant du FdG (Fronte della giuventù, organisation de jeunesse du MSI) est bastonné par le service d’ordre d’Avanguardia Operaia au moment où il sort de l’école. Il mourra de ses blessures à la tête après 47 jours de coma.

AVRIL
 Le 16 au soir, s’ouvre la « semaine sanglante » avec l’assassinat à Milan de Claudio Varalli, 18 ans, militant du Mouvement étudiant, par Antonio Braggion, militant de l’organisation néo-fascite Avanguardia Nazionale. Le lendemain, le centre de Milan est occupé par les forces de l’extrême-gauche de la ville qui déclenchent de très violents affrontements avec la police. Le siège provincial du MSI est pris d’assaut par les services d’ordre des organisations extraparlementaires. Durant les incidents avec la police, meurt Giannino Zibecchi, 26 ans, militant des Comités antifascistes, renversé par un camion de carabiniers. Cent mille personnes assistent aux funérailles des deux jeunes gens, dans un climat de forte tension émotive.
 Les jours suivants, les imposantes manifestations antifascistes s’étendent à toute l’Italie. Le 18, à Florence, durant le déroulement de l’une d’elles, la police tue le militant du PCI Rodolfo Boschi, alors que Tonino Miccichè, militant de LC, a été flingué la veille, par un vigile, au cours d’une lutte pour le logement dans le quartier ouvrier de la Falchera, à Turin. Pour l’anniversaire de la Libération, dans toute l’Italie, des appelés de l’armée proches des organisations d’extrême-gauche manifestent le visage masqué au cri de « contre la violence d’Etat/aujourd’hui et toujours, résistance ! »

MAI

 Le 17, à Naples, durant une manifestation de « chômeurs organisés », le retraité Gennaro Costantino est tué par la police. Le 21 est approuvé par le parlement la loi Reale sur l’ordre public qui introduit la détention judiciaire, étend un peu plus l’usage des armes à feu par les forces de l’ordre, limite les possibilités de liberté provisoire. Le PCI vote contre. Entre 1975 et mi-84, les victimes de cette loi s’élèveront à 254 morts et 371 blessés. Le 25 au soir, à Milan, Alberto Brasili, étudiant travailleur, sympathisant de gauche, est poignardé à mort par un groupe de néo-fascistes. Juin Le 5, vingt-quatre heures à peine après l’enlèvement de l’industriel Vittorio Vallarino Gancia, la police identifie la ferme près d’Acqui Terme, où les BR le gardent prisonnier. Dans l’échange de coups de feu qui s’ensuit, un carabinier est tué, ainsi que la compagne de Renato Curcio, Margherita Cagol, dite « Mara ». Juillet Le 8, durant l’assaut des carabiniers à un repaire des NAP (Noyaux armés pour l’Autonomie prolétarienne), Anna Maria Mantini, 23 ans, est tuée. Novembre Le 22, Pierro Bruno, 22 ans, militant de LC est tué à Rome par la police durant les bagarres consécutives à une manifestation pour l’indépendance de l’Angola.


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