Serge Quadruppani

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A propos de la parution du livre de Guy Dardel "Le Martyr Imaginaire"

Daeninckx, ou la calomnie pour vocation

dimanche 2 octobre 2005, par Serge Quadruppani

On ne saurait trop recommander la lecture de « Le Martyr imaginaire », livre publié cet été par Guy Dardel président de Fréquence Paris Plurielle, aux éditions Reflex (No Pasaran). Dardel y raconte en détail comment Daeninckx et quelques-uns de ses séides ont tenté de le salir avec d’extravagantes accusations de négationnisme et de pédophilie. L’auteur développe aussi une réflexion plus générale, et très stimulante, sur ces pratiques calomniatrices et la vision du monde qu’elles recouvrent. Le Béria du polar a jugé utile de répondre en entamant des poursuites pour diffamation contre l’auteur et l’éditeur. On observera avec attention la suite de l’affaire.

A cette occasion, je mets en ligne un texte rédigé en 2001 pour faire le point sur les attaques dont j’avais personnellement été l’objet. Une illustration de la méthode DD. A la suite, on trouvera, à titre d’exemples, deux réactions à des pratiques inquisitoriales de même inspiration : une lettre ouverte, datant de 2002, à un bureaucrate stalinien (un certain Piochon) qui avait tenté d’obtenir ma déprogrammation d’une émission sur France Inter, dans la continuité des calomnies daeninxkxiennes. Et un communiqué, datant de 2005, de Gérard Delteil et de Maurice Rajfus à propos d’un article d’Amnistia. La persistance de ces méthodes dans le temps impose la conclusion que, chez Daeninckx et ses imitateurs, la calomnie est une impérative vocation.


Mon passé...

Depuis l’âge de 20 ans, mes convictions me situent au carrefour de ce qu’on appelle aujourd’hui les " libertaires " et les " ultra-gauche ". En 1978, quand le personnage de Faurisson a commencé à faire son apparition dans les médias, j’ai écrit une lettre (non publiée) à Libération pour protester contre un appel implicite au cassage de gueule que contenait un article, au nom de la défense de la liberté d’expression et sans prendre aucunement parti pour ses thèses. Pour comprendre une telle position, il faut la resituer dans le contexte d’une époque où très peu nombreux étaient ceux qui avaient pris la mesure de la malfaisance de Faurisson qui se présentait alors comme un antinazi viscéral. Il faut rappeler qu’à l’époque, Le Monde lui accordait un quart de page pour exposer son point de vue et Libération, dans plusieurs numéros, ouvrit ses colonnes à ses défenseurs.

En 1983, j’ai participé à la création de La Banquise, revue de critique sociale qui eut quatre numéros (jusqu’en 1986). Cet organe fut créé par un groupe d’ex-camarades opposés à la dérive faurissonienne de Pierre Guillaume, fondateur de l’ex-librairie la Vieille Taupe (nom qu’il reprenait alors pour des publications négationnistes) et à la dérive parallèle de la revue La Guerre Sociale qui le soutenait. La Banquise démontrait la nature antisémite des raisonnements de Faurisson, affirmait qu’on ne pouvait discuter avec quelqu’un comme lui qui " tord le sens des mots " et le déclarait " indéfendable ". Dans nos positions globalement anti-faurissoniennes subsistaient néanmoins des ambiguïtés, des formulations malencontreuses et, dans notre souci de dénoncer l’instrumentalisation du génocide, nous utilisions des formules polémiques qui, détachées du contexte, apparaissent aujourd’hui passablement choquantes. A la même époque (1984), j’ai publié un livre aux éditions Balland (Catalogue du prêt à penser français depuis 1968) qui attaquait pour l’essentiel la nouvelle droite et les nouveaux philosophes et, accessoirement, intervenait sur l’affaire Faurisson pour affirmer les positions de la Banquise. Je porte aujourd’hui un regard très critique sur ce passage du « Catalogue » : si je montrais encore une fois le caractère ansitémite de son argumentaire, même si j’avais raison de m’opposer à l’idée d’instaurer une « vérité officielle » par voie de tribunaux (position défendue aussi par beaucoup de monde, dont la LDH et Vidal-Naquet), la formulation de cette position est par trop ambiguë, dans le sens où je pouvais donner à croire que j’étais ébranlé par les « démonstrations » faurissoniennes, ce qui n’était nullement le cas. Mais personne, à l’époque, n’a vu dans mon propos une défense et illustration de Faurisson : le livre a eu des recensions élogieuses dans la grande presse et aussi dans des publications comme Rouge, le Canard Enchaîné ou l’organe du Mouvement des Citoyens. Voilà la totalité de ce que Daeninckx a le culot d’appeler " mon long compagnonnage " avec un individu que je n’ai jamais ni croisé ni rencontré.

Depuis, j’ai à plusieurs reprises pris publiquement partie contre le négationnisme. En 93, j’étais à l’origine d’un appel, " Les ennemis de nos ennemis ne sont pas forcément nos amis ", qui invitait en termes virulents les milieux ultra-gauche et libertaires à en finir avec toute complaisance envers le négationnisme, " figure moderne de l’antisémitisme " et à traiter les négationnistes pour ce qu’ils sont : " des ennemis ". En 96, j’ai donné une contribution à un recueil, Libertaires et ultra-gauche contre le négationnisme, aux éditions anti-facistes Reflex, où je procédais à une critique des insuffisances de la Banquise. L’appel et le livre nous ont valu, à chaque fois, le soutien de Pierre Vidal-Naquet, dont la compétence et l’engagement sur ces questions ne font guère de doutes.

...Ce qu’en fait Daeninckx

Ayant participé avec Jean-Bernard Pouy et Patrick Raynal à la création de la collection " Le Poulpe " (c’est moi qui ai rédigé la quatrième de couverture du Poulpe de Daeninckx « Nazi dans le métro » qui s’en prenait aux bruns-rouges et aux négationnistes !), j’ai été amené à présenter comme auteur éventuel d’un " Poulpe " Gilles Dauvé, un des co-rédacteurs de La Banquise. En s’appuyant sur des querelles de l’ultra-gauche remontant aux années 70, Daeninckx l’a déclaré négationniste. J’ai défendu Dauvé, et le délire a commencé. Apprenant que Daeninckx et d’autres déclaraient cet ami " suspect ", je lui écrivis une lettre et la fis circuler auprès d’une demi-douzaine de mes amis du milieu polar. A la suite de quoi, Daeninckx me déclara que " c’était la guerre " et envoya des centaines de photocopies d’un premier texte qui fut la matrice d’une série de brochures et de livres consacrés en grande partie à prouver, contre tout ce que j’écris et fait depuis toujours, que je suis un antisémite. Amalgame, à-peu-près, interprétations délirantes, anachronisme, citations tirées du contexte, tout était bon. Pour démonter le tout, il faudrait au moins autant de pages qu’il en a écrites. Je tiens à disposition quelques exemples.

Outre cette activité éditoriale, Daeninckx, en s’appuyant sur le large réseau dont il dispose dans les milieux politiques et culturels, n’a cessé de chercher à me nuire par tous les moyens, en m’empêchant notamment de participer aux diverses manifestations et festivals qui assurent la promotion du polar et de la littérature en France. De multiples personnes peuvent témoigner qu’il n’a jamais raté l’occasion, dans les dizaines de débats auxquels il a participé ou dans les conversations de festivals et autres salons, de me traiter d’antisémite et de négationniste. A de multiples occasions, je sais qu’il est intervenu directement auprès d’organisateurs pour qu’on annule mon invitation à une manifestation : j’ai par exemple la photocopie de la lettre qu’il a envoyée à la directrice de la médiathèque de Bourges en 97 pour tenter de me faire " désinviter " à un débat, je sais aussi qu’il multiplia les pressions et les menace pour obtenir que, l’année suivante, je ne sois pas présent au festival Auber Noir (allant, au cours d’une conversation avec l’un des organisateurs, jusqu’à me comparer à Brasillach et à le menacer de fomenter des manifestations d’anciens combattants !), je sais que, de par sa présence, je suis interdit au Festival Etonnants Voyageurs, je sais aussi qu’en 98, sur son intervention, on m’a annoncé au dernier moment qu’on me retirait l’offre d’une résidence à Vienne ; je sais qu’en 2000 encore, Fajardie et lui ont exercé des pressions sur Jérôme Leroy parce qu’il avait osé publier dans Le Figaro un article élogieux sur mon dernier roman noir. Mais je sais aussi que tout ce que sais là-dessus n’est que la partie émergée : la plupart des organisateurs préféraient obéir en silence aux diktats d’un auteur disposant d’une notoriété bien supérieure à la mienne, et d’une aura médiatique de justicier de gauche. Entre les années d’avant l’affaire et celles d’après, les invitations à divers festivals et manifestations ont été divisées par dix ou vingt.

Cette chasse au sorcière s’est rapidement étendue à ceux qui prenaient ma défense : son ami Hervé Delouche, le fondateur de Ras l’Front Gilles Perrault, le fils de déporté Maurice Rajfus, et mes proches qui ont partagé et partagent mes engagements. Le sommet du délire étant sans doute atteint avec le livre contre Perrault où Daeninckx, entre autres abasourdissantes bêtises, s’attarde sur les mœurs sexuelles qu’il prête à l’auteur de Notre ami le roi, et où il réussit à transformer en apologie des tortionnaires un livre comme Les Parachutistes - lequel expose les similitudes entre la formation des parachutistes et celle des SS. En août-septembre 97, signée notamment par Pierre Vidal-Naquet, Maurice Rajfus, les éditeurs François Gèze, Anne-Marie Métailié, J.-C. Brochier et Agnès Viénot, des spécialistes de l’extrême-droite comme René Monzat et Pierre-André Taguieff (pas encore devenu le triste réac qu’il est aujourd’hui), de nombreux auteurs de polar comme Jonquet, Delteil, Prudon, Garnier, Lesbres et des écrivains comme Howard Buten, Yves Pagès ou Claude Duneton, une pétition de soutien est venue dire que je n’étais pas négationniste et qu’il fallait me laisser travailler et m’exprimer. Rien n’y fait : aux dernières nouvelles, Daeninkx ne rate jamais une occasion de me nuire.

Amnistia, le site internet mis à sa disposition par des réfugiés italiens continue le sale boulot de la calomnie, contre beaucoup de monde, dont moi.

Si l’entreprise de Daeninckx a pu prospérer, c’est parce qu’elle correspond à une forme d’esprit, fort répandue à l’extrême-gauche, qui voit des complots partout et prise les attaques ad hominem. C’est aussi parce qu’elle a été utilisée dans de multiples groupes d’extrême gauche, de Ras l’Front à la Ligue Communiste et à la Fédération anarchiste dans le cadre de la lutte de telle ou telle tendance contre une autre. A cette occasion, j’ai pu mesurer combien vingt ans d’activités politiques et d’écrits radicalement opposés à toute forme de racisme ou d’antisémitisme, pouvaient soudain être de peu de poids quand il s’agissait de salir mon honneur afin de nourrir des querelles de boutique.

Sur ma défense

J’ai envoyé des adresses aux libertaires, des circulaires en milieu polar. J’ai beaucoup écrit aux journaux, j’ai été peu publié. Et puis, j’ai considéré que ceux qui voulaient savoir le pouvaient : ils n’avaient qu’à se reporter à Libertaires et ultra-gauche... On m’a souvent demandé pourquoi je ne traînais pas mon calomniateur en justice. Il y avait à cela trois sortes de raisons :

Premièrement, par principe, comme libertaire partisan de la disparition de l’Etat, je répugnais à aller demander à un juge un certificat de non-antisémitisme.

Deuxièmement, le droit de la diffamation étant difficile et compliqué, les décisions des tribunaux sont parfois surprenantes, et chacun sait qu’il existe une instance d’appel suprême, extra-judiciaire, qui fait qu’on peut très bien gagner devant le tribunal et perdre quand même : c’est l’instance médiatique. Or, sur ce terrain là, dans son armure blanche de justicier, avec son réseau de fidèles, Daeninckx est incontestablement mieux armé que moi.

Troisièmement, et c’est peut-être la principale raison, on ne mesure guère tant qu’on n’y est pas confronté, le dégoût et l’amertume dont on est envahi quand on s’aperçoit qu’on vous a collé le masque de l’ennemi et que quelqu’un qui passe pour un courageux homme de gauche a réussi à vous faire apparaître auprès de milliers de braves gens comme un salopard antisémite. Ce que j’ai subi personnellement durant cette période explique sans doute qu’à un moment, j’ai préféré laisser tomber et éviter de donner par le biais d’un procès davantage de publicité à tout ça. Il vient un moment où, devant la montée de la bêtise et de la veulerie, le repli sur la seule activité de l’écriture est une nécessité vitale.

P.-S.

Deux exemples de la méthode DD, à travers une lettre ouverte de ma plume et un communiqué de Gérard Delteil et Maurice Rajfus

Lettre ouverte à Jean-Michel Piochon

Directeur du festival du polar de Montigny-les-Cormeils

Monsieur,

J’avais décidé d’oublier votre risible intervention auprès d’Eric Yung pour tenter d’empêcher que je passe dans son émission “ Philanthopolar ” où j’ai été invité en même temps que vous. Votre insistance maladroite, celle de la petite meute des toutous daeninckxiens lâchée aux basques du journaliste et la louche finale d’une attachée de presse à la discutable compétence ont en effet obtenu l’effet inverse de celui recherché : non seulement vous n’avez pas réussi à m’empêcher de parler sur les ondes de France Inter de l’anthologie que j’ai composée pour le Fleuve Noir avec vingt-cinq excellentes nouvelles d’auteurs francophones, mais en plus, Eric Yung, tout en refusant de prendre partie dans la querelle où vous vous êtes imprudemment jeté, a fait en début d’émission une déclaration solennelle s’indignant, à très juste titre, des pressions qu’on lui a fait subir.

Mais à y repenser, il me revient un détail sur lequel je souhaiterais quelques éclaircissements : vous avez déclaré à Eric Yung que ma présence sur les ondes était “ indigne du service public ”. Fichtre ! Vous devez détenir sur moi des informations que j’ignore : dans sa brièveté, la formule ouvre en effet sur des abîmes d’abominations. Pouvez-vous me communiquer très vite vos sources ? Car vous ne vous êtes sûrement pas contenté du dossier grotesque monté par le Béria d’Aubervilliers et sa petite cohorte de ratés du CNRS, de suiveurs intéressés et autres sous-Machiavel du sectarisme politique. Vous n’ignorez sûrement pas que cette cabale a été dénoncée depuis longtemps par toute une série de textes, notamment une déclaration signée, entre autres, d’auteurs comme Pierre Vidal-Naquet, René Monzat, ou Maurice Rajfus dont les compétences dans les matières que prétendent aborder ces gens sont autrement sérieuses et reconnues. Pour ne pas citer le très excellent résumé donné par Gérard Delteil, à portée de compréhension d’un auteur de polar moyen, lors d’une conférence de presse. Ou le bon dossier de la revue Politis. Ou le livre auquel j’ai contribué, chez l’éditeur antifasciste Reflex. Je ne vous accablerai pas des références, n’importe quel esprit scrupuleux connaît ces documents.

Ainsi, comme, il n’est pas possible qu’un responsable culturel n’utilise que les constructions flicardes et paranoïaques d’un auteur amoureux de son personnage de justicier et ivre du micro-pouvoir que cela lui vaut dans le milieu du polar, comme il n’est pas possible que vous vous contentiez de cette merde (pardonnez le terme, mais bon, on est entre amateurs de polar, non ? on n’a pas peur des expressions fortes !) j’attends avec impatience que vous me fournissiez les preuves de mon infamie.

Au cas contraire, si vous êtes vraiment le Vychinski de sous-préfecture que votre intervention laisse imaginer, on pourrait frémir à l’idée de la sorte de “ service public ” que vous instaureriez si vous veniez au pouvoir, mais comme la chose paraît toujours moins probable, vous voudrez bien plutôt m’ôter une curiosité : quand votre parti aura enfin atteint les dimensions que certains de vos dirigeants s’efforcent avec constance de lui faire atteindre, quand vous ne règnerez plus que sur un hall d’immeuble, est-ce que vous ferez encore des procès de Moscou ?

Serge Quadruppani

P.S. : Non abonné aux passionnants sites de polar, j’ai demandé à Gérard Delteil de faire suivre cette lettre. Il va de soi qu’elle n’engage que moi, en chacun de ses termes. Et qu’elle n’implique, bien évidemment, en rien, les vingt-cinq auteurs de polar qui m’ont fait confiance pour la réalisation de l’anthologie Bleu, Blanc, Sang, en vente partout. (17 décembre 2002)

Communiqué xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx

MISE AU POINT

A propos de Dieudonné et Didier Daeninckx

Prenant prétexte de l’affaire Dieudonné, Didier Daeninckx met en cause l’historien Maurice Rajsfus et l’écrivain Gérard Delteil dans un article publié le 28 février 2005 sur son site Amnistia. Pratiquant un amalgame de style stalinien, selon son habitude, il cite pêle-mêle Le Pen, Bruno Gollnish, Tarik Ramadan, Serge Thion et nous mêmes, avec pour objet de régler ses comptes personnels et de discréditer le réseau Ras l’Front auquel nous participons. Le procédé qui consiste à faire l’amalgame entre anti-sionisme et anti-sémitisme contribue tout autant que les déclarations de Dieudonné à semer la confusion, renforcer le communautarisme et diviser les anti-racistes.

Maurice Rajsfus, Gérard Delteil, le 2 mars 2005


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