Serge Quadruppani

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Une polémique sur les Assises de l’anti-postcolonialisme

lundi 7 mars 2005, par Serge Quadruppani

Cet échange, débuté sur la liste d’information Infozone, doit se poursuivre ici, le modérateur nous rappelant avec raison qu’il ne s’agit pas d’une liste de débats.

Dans un mail présentant l’excellent opuscule « Zob de Dieu » chez l’Insomniaque, j’écrivais, à propos des Assises contre le colonialisme post-colonial :

Et puisque ces Assises se situent "dans la perspective d’un combat commun de tous les opprimés et de tous les exploités" (cf l’Appel), y accueillera-t-on aussi les demandeurs d’asile homosexuels qui fuient les dicriminations dans le monde arabo-musulman et qui risquent d’y être renvoyés ? Et les sans papiers sidéens menacés d’être renvoyés dans des pays où règne une morale qui n’a rien à envier à celle de Bush ? Et les défenseurs de l’avortement ? Et comme il doit bien exister, en dehors de Ni Putes Ni Soumises, satellite sécuritariste et laïcard de SOS Racisme et du PS, des groupes de femmes luttant contre les violences faites aux femmes (viol, police des moeurs, mariages arrangés...) leur donnera-t-on la parole, dans ces assises ?

Alix, une des initiatrices de l’appel me répondait :

Serge, toutes les "catégories" dont tu parles sont les bienvenues aux Assises, et elles sont d’ailleurs plus que cela puisqu’elles appartiennent déjà au groupe des initiateurs du projet. Ce groupe compte en effet des féministes algériennes qui ont lutté à une époque proche en Algérie pour les droits des femmes, des militantes féministes de France, des lesbiennes ainsi que des réfugiés politiques opposants dans leur pays qui ne t’ont pas attendu pour faire le constat dans leur chair de la catastrophe des dictatures postcoloniales. Pour ce qui est de la question de l’avortement, je te renvois au tract ci-dessous du "collectif féministe pour l’égalité" (regroupant des femmes voilées et non voilées) qui voulaient il y a quelque semaine manifester pour soutenir le droit à l’avortement et qui bien entendu s’est vu mettre des bâtons dans les roues...

Donc informe-toi, fais un travail sur tes préjugés et cesse tes allusions fielleuses, ça suffit !

Alix

 Alix, où as-tu vu des "allusions fielleuses" ? Il s’agissait de questions franches et directes.
 Restons francs et directs : je te donne acte de la présence des défenseuses de l’avortement (dommage qu’elles mettent sur le même plan le droit à l’avortement et le "droit" tout de même plus ambigü, de porter un symbole massif de l’oppression féminine).
 Puisque, avec ces "opposants qui ne m’ont pas attendu", tu sors la grosse batterie du "d’où parles-tu", qui m’a toujours évoqué les insultes des différents services d’ordre que j’ai rencontrés sur mon chemin, me voici obligé de te répondre à la première personne et de te dire en quoi, moi, je ne t’ai pas attendue.
 Je ne t’ai pas attendue pour savoir comment on évite de répondre aux questions quand elles vous gênent. Dans la liste que tu me dresses, je ne vois ni les homosexuels en lutte contre l’homophobie si présente en milieux populaires (et, en particulier dans les milieux bigots), ni "des groupes de femmes luttant contre les violences faites aux femmes" dans les quartiers populaires (je ne parle pas de la terrible violence consistant à ne pas porter le voile à l’école, mais de violences mineures telles que viols, police des moeurs, mariages arrangés, interdiction de fait de la mixité dans de nombreux espaces...). Je suis enchanté de savoir que tous les groupes dont je parle sont les bienvenus... sans oublier, j’espère, les athées militants qui réclameraient le droit de mal parler de l’islam, d’expliquer aux post-néocolonisés que l’islam, comme toutes les religions, est un boulet au pied de tous ceux qui aspirent à l’émancipation individuelle et collective.
 Je je ne t’ai pas attendue, non plus, pour savoir que les bigots, qu’ils soient cathos, juifs ou musulmans sont toujours au final, les ennemis de la liberté. Ce n’est pas donc pas un préjugé sur lequel j’aurais à travailler mais le fruit d’une longue expérience commencée en servant la messe. Et, comme tu le sais (je m’en suis expliqué avec toi dans un courrier privé), ce que je dis et que je sais de la vie des quartiers populaires n’est pas davantage un préjugé. Or donc, tes conseils sur les "préjugés" sur lesquels je devrais "travailler" sont, nous dirons, pour être gentil, d’une arrogance incongrue.
 Mais je ne t’ai pas davantage attendue pour savoir que des termes comme "constat dans leur chair" sont là pour me disqualifier en me faisant passer pour un intello qui n’a pas de contact avec les vrais combats, là où ça saigne et ça souffre. (Un jour, tu nous raconteras sûrement tes états de service, comment tu as "dans ta chair" acquis le droit de me faire la leçon là-dessus.) Ton expression "constat dans leur chair" sent l’exploitation de la souffrance des autres, une des techniques classiques des manipulateurs cléricaux et/ou staliniens. Ce qui démontre une fois de plus qu’on peut craindre le pire quand les cléricaux s’allient à des post-néo-gauchos qui ont repris dans le gauchisme l’un de ses pires filons : le stalininisme, ses méthodes d’amalgame et ses chantages à ne pas désespérer le peuple. Pour finir, donc, oui, tu vois, je ne vous ai pas attendus, ni toi ni tes copains, pour savoir que les mots sont importants. Bien d’accord avec toi, ça suffit. Porte-toi bien et continue de causer avec ceux que ça intéresse. Pour ma part, cette polémique se termine ici. Serge Q.


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