Serge Quadruppani

Accueil du site > Archives > Un procès qui sent la poussière

Encore ?!

Un procès qui sent la poussière

vendredi 19 juin 2009, par Serge Quadruppani

En raison des attaques que subit de temps à autre ma notice wikipédia de la part de quelques allumés qui n’ont rien d’autre à foutre que d’essayer me nuire, je mets en ligne une lettre à Valérie Igounet, auteure qu’ils invoquent volontiers à l’appui de leurs calomnie. J’avais écrit cette lettre en 2000 en réaction à la parution de son livre "Histoire du négationnisme en France", éd. Seuil. Ceux pour qui tout ça est du martien, peuvent se reporter sur le même site à "Daeninckx ou la calomnie pour vocation".

à Valérie Igounet Paris, le 25 avril 2000

Madame,

J’ai pris connaissance avec intérêt de votre livre Histoire du négationnisme en France. Je ne n’ai pas encore eu le temps de lui consacrer une lecture approfondie mais ce genre de travail a évidemment toute ma sympathie, dans la mesure où il peut contribuer à clarifier l’histoire d’un délire et à percer ce que mes amis et moi avons appelés voilà quelques années « le masque moderne de l’antisémitisme ». Toutefois, un premier survol me donne le sentiment que cet excellent programme n’est pas tout à fait rempli.

1° S’agissant du contenu de La Banquise, vous ne semblez pas saisir la différence entre le fait de critiquer l’usage mystificateur du génocide, et le fait d’en nier la réalité. La deuxième démarche était celle de Guillaume, de la Guerre Sociale et de leurs groupuscules alliés. La première démarche, qui est certes discutable mais qui inclut nécessairement la reconnaisance de la réalité du génocide, était celle de La Banquise. Les textes de cette dernière revue péchaient par leur légèreté intellectuelle sur le si lourd sujet des chambres à gaz, et ils contenaient quelques odieuses bêtises, fruits de l’arrogance et du goût de la provocation propres aux milieux « radicaux ». Je me suis assez étendu là-dessus dans ma contribution à Libertaires et « ultra-gauche »… pour ne pas y revenir. J’ajouterai seulement que la pire ambiguïté était sans doute la référence élogieuse au texte sur les camps publié par la Guerre Sociale, texte dont nous critiquions pourtant un peu plus loin les fondements. De votre part, il aurait été plus conforme à l’honnêteté intellectuelle de signaler justement cette critique et aussi le fait qu’avec tous ses défauts, la revue fut la seule, dans les milieux « ultra-gauche » et à cette époque (1983), à dénoncer publiquement le caractère antisémite du raisonnement faurissonien sur la IIe guerre mondiale, et l’idiotie nauséabonde de ses pinaillages sur le terme « génocide ». Inutile de vous citer les numéros des pages, vous êtes docteur en histoire, vous savez forcément de quoi je parle.

2° A ce propos, je suis vraiment surpris des étranges nouveautés qui semblent avoir été introduites dans la méthodologie de la recherche française. Il me semble que vous n’avez eu aucun contact avec les anciens rédacteurs de La Banquise. S’agissant d’histoire contemporaine, comment avez-vous pu mettre en cause, et de façon si grave des individus sans avoir seulement tenté de leur parler ? Plus généralement, il me semble que, s’agissant de l’histoire du micro-milieu qui a connu en son sein la dérive des Guillaume-Thion-Blanc et de leurs séides, on pouvait faire l’effort de tenter d’approcher tous ceux qui l’avaient composé : quelques dizaines de personnes tout au plus. Cela aurait mieux valu que de vous appuyer uniquement sur un Ferry dont la seule contribution publique à la lutte contre le négationnisme, ce sont les deux lettres qu’il a écrites exprès pour votre livre. Des investigations moins univoques vous auraient permis de faire des découvertes surprenantes sur les réelles positions de ce personnage lors de l’apparition de Faurisson dans l’arène médiatique, mais je n’en dirai pas davantage, me refusant, avec la même sincérité que lui, à jouer les procureurs. Pas mal de gens auraient pu vous apprendre qu’il fut de mes amis et qu’à l’époque où, selon lui, j’étais avec d’autres un « idéologue ignorant », il cosignait avec moi deux romans historiques (Le Chouan de Saint Domingue et La Malandrine, Presses de la Renaissance, 1979 et 1980). Vous auriez pu aussi découvrir que, depuis une dizaine d’années, il proclame urbi et orbi les raisons d’ordre privé qu’il a, selon lui, de nous en vouloir beaucoup, à Christine Martineau et à moi. A moins que vous ne sachiez déjà tout cela ? Je n’ose l’imaginer, car alors, vous auriez sciemment accordé à un individu si peu fiable et si partial le rôle de témoin numéro un.

3° Vous avez également un étrange usage des correspondances privées. Je sais, pour en avoir parlé avec lui à l’époque, que Gilles Dauvé avait, en 1996, refusé à Bernard Ferry la permission de vous livrer la correspondance qu’ils étaient en train d’avoir, permission que Ferry lui demandait explicitement. Or, non seulement, vous avez publié la lettre de Ferry, mais encore celle de Dauvé… à une coupure près (note 102, p.487). Serait-ce le passage où Dauvé refuse la permission demandée ? Ce type de procédé est digne d’un Thion publiant les lettres de Vidal-Naquet sans son consentement.

Je sais également, pour en avoir parlé voilà peu avec lui, que vous avez publié la lettre de François Cerruti à Jacques Baynac sans en demander la permission à l’auteur. Or cette lettre a été écrite à Baynac à la suite de la publication de Libertaires et « ultra-gauche »… (et non de la publication d’un texte d’un romancier policier) pour tenter de clarifier la dérive de Guillaume, et prendre notre défense, à Dauvé et moi : la précision est d’importance, quand on lit la note de la page 603 qui dit que, d’après Cerruti, il était « évident qu’à cette époque-là, ils [Dauvé et Quadruppani] n’étaient pas fascistes ». Les termes « à cette époque-là », détachés du contexte, introduisent un flou carrément calomnieux, et à l’opposé de la pensée de Cerruti.

4° Il est ridicule de parler, à propos de François-Georges Lavacquerie, d’« auto-critique » (p. 488) : il n’avait pas plus à s’auto-critiquer que vous, puisqu’il n’est jamais intervenu que pour critiquer le négationnisme sur les bases les plus fermes, et avec une rigueur qui lui a valu des appréciations très positives de M. Vidal-Naquet.

Il est scandaleux de dire de Christine Martineau et d’Hervé Denès qu’ils étaient « aux côtés de Faurisson dans les années 80 » (note 96, p.485), formule qui suggère une forme de compagnonnage ou de collaboration : là, vous sombrez carrément dans la calomnie. Ni l’un ni l’autre n’a jamais apporté aucune forme de soutien au clown antisémite.

A première vue, sur l’essentiel — à savoir le faurissonisme, ses rapports avec l’extrême-droite, et la dérive faurissonienne de Guillaume-Thion-Blanc — votre travail me paraît solide et rigoureux. Mais dès qu’il s’agit de traiter cet aspect très secondaire : les insuffisances et ambiguïtés de La Banquise et de ses rédacteurs, il me semble que vous cédez à l’esprit du soupçon et au goût de l’amalgame, tel qu’ils furent exacerbés par les règlements de comptes internes aux milieux du polar et de l’antifascisme militant en 96-97. Parce que vous auriez été soumise à l’influence d’un romancier policier et/ou de ses inspirateurs, ce quarteron de ratés du CNRS aussi avides de reconnaissance sociale qu’un malheureux Ferry ? Après tout, cela vous regarde.

Je me devais toutefois de vous signaler les insuffisances et les ambiguïtés de votre travail, dans la mesure même où il a reçu l’approbation de Pierre Vidal-Naquet dont j’estime, malgré quelques désaccords secondaires, que le travail en la matière, par sa rigueur éthique et sa solidité historique, est un socle fondateur.

Avec mes sentiments de radicale hostilité envers l’antisémitisme, le racisme, et toutes les formes, même infiniment plus anodines, de la passion d’exclure.

Serge Quadruppani

copie à votre éditeur copie à P. Vidal-Naquet

P.-S.

Pierre Vidal-Naquet répondit à l’envoi de la copie de cette lettre en me disant qu’en effet, Valérie Igounet aurait dû m’interroger dans le cadre de la préparation de son livre.

Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP | squelette