Serge Quadruppani

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Cet article, disponible en version originale sur http://www.nazioneindiana.com/archives/000648.html, apporte, malgré sa confusion et ses conclusions peut-être hâtives, un éclairage nouveau sur l’affaire de l’enlèvement des deux Simona, qui auraient été victimes, bien malgré elles, de rivalités entre agences de sécurité, dont certaines infiltrent les ONG.

L’éternel mensonge

Reconstruction de l’enlèvement de Simona Pari et Simona Torretta

mercredi 29 septembre 2004

[Cette enquête dont je (Roberto Saviano, N .d.T.) suis l’auteur n’a été acceptée par aucun des journaux avec lesquels je collabore ni par aucun titre de la presse italienne. Le seul journal qui a reconstruit le scénario de l’enlèvement Pari-Torretta à travers des informations et des documents officiels recueilliés par Rita Pennarola, c’est le mensuel La Voce della Campania (www.lavocedellacampania.it) qui, depuis des années mène avec son directeur Andrea Cinquegrani une bataille solitaire contre le pouvoir de la camorra et l’idiotie du journalisme italien, en survivant avec dignité malgré les procès très couteux et les menaces continues.]

Personne n’a eu la décence de consacrer du temps à l’étude, à la recherche des éléments jusqu’à présent recueillis par les Services secrets et les magistrats. Personne. Dans le tourbillon rythmé comme un métronome de l’Ansa (agence de presse italienne), des informations distillées par les bureaux de presse militaires, personne n’a voulu chercher avec calme et précision scientifique ce qui pouvait exister derrière l’enlèvement en Irak des deux membres italiennes de Un Ponte per... Personne n’a voulu enquêter ou peut-être que personne n’a préféré le faire, étant donné que la conclusion ultime serait une situation d’incroyable connivence de pouvoirs qui font de l’enlèvement de Simona Pari e Simona Torretta un nœud gordien indémêlable. La séquestration des deux Simona qu’un message diffusé hier (soit le 22/09) sur le web déclarait carrément assassinées, est étroitement liée à l’enlèvement des quatre « employés » italiens en Irak :Fabrizio Quattrocchi, Salvatore Stefio, Maurizio Agliana e Umberto Cupertino. Cette séquestration rentre en réalité dans une logique de conflits dont aucune enquête n’a voulu révéler les protagonistes et dont les motifs sont tellement clairs qu’on peut à bon droit redouter qu’il existe une volonté générale et obtinée de ne pas laisser apparaître les parties en cause, exerçant ainsi un choix de censure véritable. Je vais essayer de rassembler les divers éléments et, avec les instruments de la raison et de la reconstruction, de conjecturer le motif réel de l’enlèvement. Commençons.

Les rapports des services secrets italiens déclarent que le choix d’enlever les deux bénévoles italiennes n’a pas été le fruit du hasard, on déclare que les témoins qui ont échappé à l’enlèvement parleetn d’un commando qui voulait précisément les deux jeunes femmes et que, ne possédant pas leurs photos, ils les cherchait avec agitation et surtout comme principaux objectifs de l’opération. Pour comprendre le motif du choix des deux italiennes liées à l’organisation Un Ponte per... comme objectif d’une action d’enlèvement, il faut revenir en arrière et arriver à 2003, quand la jeune Valeria Castellani arrive en Irak. Cette jeune personne entreprenante arrive à Bassora en collaborant avec les membres de l’association Un Ponte per... et travaille à un projet particulièrement intéressant qui doit permettre aux dates irakiennes, les meilleures du monde, de puvoir s’imposer de nouveau sur le marché. La qualité des dates de Bassora, les célèbres Al Bakhri, a été fortement entamée par l’embargo, l’impossibilité de l’exporter poussant à la ruine la plus grande partie des exploitations irakiennes de dattes. A se baser sur ce projet, il sembleerait que Castellani est une jeune femme pleine d’idée et d’énergie, exactement comme les journaux catholiques (comme Famiglia Cristiana) la considèrent et la décrivent. Mais en avril 2004, après le meurtre de Quatrocchi, nous remarquerons que le nom de Valeria Castellani apparaît dans la liste des personnes mises en cause par les procureurs du parquet de Gênes Francesca Nanni e Nicola Piacente, dans le cadre de l’enquête sur l’enlèvement et la mort de Quattrocchi. Comment est-il possible qu’une bénévole d’ONG se retrouve mise en cause par la justice ? Qu’est-ce qui a pu lier une femme engagée dans un projet de relance de l’agriculture irakienne sans aucun but lucratif, à la fangeuse affaire de Quattrocchi ? En creusant bien dans les faits et dans les dossiers judiciaires, il a apparaît que Valeria Castellagni s’avère une fringante manager de Dts Itc. Security, une société basée au Nevada (USA) qui recrute du personnel de sécurité privée en Irak. Officiellement, Castellani apparaît comme l’administratrice de la société Dts. Pour comprendre comme une jeune femme de Vicenze, fille de la petite bourgeoisie, peut arriver à être administratrice d’une agence américaine capable de facturer des sommes extrêmement élevées pour des contrats pour la protection de membres du Congrés américain en visite en Iark, il faut aller enquêter sur son compagnon, Paolo Simeoni. Ce dernier aussi, Gênois de 32 ans, est entré en Irak à travers les associations non gouvernementales. Comme expert des opérations de déminages et d’assainissement du territoire, il a collaboré avec Un Ponte per... et surtout avec Intersos, organisation humanitaire créée avec des fonds des Confédérations syndicales. Paolo Simeoni a servi dans les forces spéciales du Bataillon San Marco, puis dans la Légion étrangère à Djibouti et en Somalie, avant de partir en mission en Afrique, au Kosovo, en Afghanistan et enfin en Irak. Il devient en 2002 collaborateur des ONG humanitaires, grâce à ses compétences de démineur, il parvient à se faire admettre et à être même recherché par beaucoup d’ONG. Mais il a bien d’autres projets que la sécurisation des terrains minés. Il connaît parfaitement les logiques des pays en guerre et sait bien qu’il n’existe rien de plus rentable que de fournir des services militaires aux troupes en difficulté. La sécurité privée est un business qui tend à augmenter avec l’impossibilité pour les troupes militaires régulières de surveiller les structures en cours d’édification. Construction d’usines, circulation des poids lourds, déplacement de civils et d’hommes politiques, chantiers. La nécessité de gardes privés s’est imposée des les premières heures de la guerre irakienne. Et un œil expert le comprend instantanément. De fait, dans un premier temps, Paolo Simeoni fonde la Naf Security, administrée par Castellani, sa compagne, et dont le siège est en Irak mais en raison de la situation particulière d’un pays envahi, la Naf n’emporte pas un seul appel d’offre. Les compétitions ne sont vaincues par des sociétés des Etats Unis. Le couple Simeoni-Castellani ne lâche pas prise, il transforme tout en peu de temps et réussit à fonder en Amérique la Dts Security. L’agence est la mêeme, l’administratrice idem, ainsi que les employés, seuls changent le nom et le siège qui sera au Nevada. Ce qui suffit pour remporter l’appel d’offre. Ainsi sont appelés d’Italie les amis de Simeoni, dont Fabrizio Quattrocchi. Mais le malheur veut que les Etats Unis décident de ne plus envoyer d’hommes politiques en Irak, le danger est trop grand. Et donc le premier objet de la Dts Security semble disparaître. Mais la flexibilité et l’esprit d’entreprise n’ont pas de limites et donc tous les employés, plutôt que de rentrer chez eux, commencer à être placés par l’agence dans la défense du personnel des multinationales américaines et dans d’autres opérations de protection des citoyens et des compagnies américaines. Ainsi la Dts Security, en peu de temps, devient une sorte d’agence capable de fournir des défenses à tous ceux, hommes et entreprises étrangers qui, se sentent exposés. Elle devient en de nombreuses zones d’Irak une armée parallèle protégeant le flux de capitaux qui arrive en Irak sous forme de machinerie, d’hommes politiques ou de sondes pétrolières. Le couple Castellani-Simeoni s’est donc rendu en Irak à travers les ONG mais une fois arrivé sur les lieux, au bout de très peu de temps, il a réalisé son projet d’édifier une agence de gardes du corps et de service armé. En somme, Paolo Simeone et Valeria Castellani ont utilisé les associations non gouvernementales pour s’insérer sur un territoire avec le maximum d’agilité et une couverture, puis changeant lentement leur praxis, on commencé à s’engager sur le plan de l’entreprise. Du reste, quelle meilleure couverture que celle de l’humanitaire quand on est dans un pays en guerre ? Tout suspect sur la possibilité de fournir des mercenaires s’évanouit devant le passe-partout de l’engagement civique et social. A Vicenze, Valeria Castellani était connue comme une sympathisante affirmée de l’extrême-droite antisémite mais après sa participation à la mission d’Intersos en Afghanistan et après sa collaboration avec Un Ponte per... en Irak, elle a endossé une inattaquable tunique de pureté. A ce point, on comprend facilement que les deux Simona ont été enlevées par une logique interne aux services de sécurité privés. Du reste, les premier à donner la nouvelle sur la manière dont s’est déroulé l’enlèvement, on été justement Simeone et Castellani. En somme, très probablement par erreur, on attaque Un Ponte per... et on sézquestre Simona Pari et Simona Torretta afin d’attaquer l’agence de protection qui a eu des personnes d’une certaine manière provenant de l’association. Maintenant, il faut comprendre si les organisations non gouvernementales, si les associations humanitaires qui utilisent les contacts avec ces personnes savaient qui étaient ces personnages ou bien si elles ont subi une opération d’infiltration. Il est facile du reste de pouvoir enter dans une opération humanitaire. Volonté et sérieux, en plus de la compétence, sont les éléments qui déterminent le choix, aucune autre sélection n’existe. A part de sommaires enquêtes sur ses propres membres, les ONG n’ont pas souvent la capacité de connaître à fond les personnages qui décident de partir pour leurs propres projets individuels souvent, entre autre, déficitaires. Ou, suivant une thèse contraire, on pourrait supputer que les ONG préfèrent avoir des rapports, comment dire, stratégiques, avec ces personnages capables de s’introduire et d’avoir des contacts partout. Le seul milieu sur lequel il faut enquêter est précisément celui des agences qui garantissent des services privés et des « soldats à louer ». Politiciens, médias, journalistes distraits ou réduits au silence par des directeurs scrupuleux petits chefs des vérités officielles, tous ont menti. Au lieu d’inventer des médiations, des médiateurs et des coups de théâtres télévisés, il faut réfléchir sur le rôle fondamental de ces agences de protection qui, dans la stratégie de l’échiquier irakien sont considérées comme des épines dans leur pied par la guérilla, car elles bouchent les trous ouverts par les troupes d’invasion. Les groupes de guérrilla, les noyaux terroristes ont manifestement tout intérêt à mettre en crise les organisations privées qui garantissent la protection à des personnages et à des sociétés que l’armée des Etats Unis ne parviendrait pas à protéger de manière adéquate. Les deux jeunes bénévoles sont maintenant entre les mains d’individus qui, pour des motifs radicalement différents de leur rôle en Irak, les utilisent comme instrument de pression contre le gouvernement italien qui fit manifestement de ne pas savoir en quel sens l’enlèvement a été exécuté. L’association Un Ponte per... qui, depuis des années, essaie d’organiser en Irak des projets qui ont l’impératif exclusif d’apporter dignité et possibilité de vie à une civilisation dévastée par des années d’embargo d’abord, et à présent par une gueerre absurde. Un ponte per... a commencé à travailler en Irak bien avant que sur les villes dévastées s’allument les projecteurs de la télé du monde entier. Un travail de bénédictin, continu, quotidien. Il était prioritaire que le ministre des Affaires étrangères essaient de démentir les sous-entendus des groupes terroristes c’est-à-dire d’identifier les deux jeunes femmes en relation à l’agence des services de sécurité. Il était fondamental qu’on explique combein elles étaient totalement étrangères au monde « italien » des gardes du corps et des mercenaires. Mais dans cette affaire, il semble que, plus qu’avoir à cœur le retour des deux femmes, on ait la volonté de ne pas laisser émerger la gangrène des rapports économiques d’entrepreneurs italiens qui arrivent à entrer dans le succulent marché irakien à travers la médiation militaire des services de sécurité qui, évidemment, sauront faire pencher le bilan du côté des industriels italiens quand il en sera besoin. Disposer d’une armée parallèle, non contrôlée par les médias, qui ignore les uniformes et les déclations de pertes humaines, est peut-être dans cette guerre l’élément le plus délicatement fondamental, même s’il est invisible aux yeux de l’Occident. Ces deux femmes paient sur leur propre peau les choix entreprenariaux de quelques Italiens qui ont su très bien où planter les canines de la finance et qui maintenant rongent l’os de l’Irak faisant échouer entre les mâchoires féroces deux femmes innocentes qui n’étaient pas venues en Irak gagner des salaires comptueux comme militaires mais faire avancer des projets réels de croissance sociale. Enquêter et réfléchir sur les sociétés italiennes qui spéculent et investissent en Irak, comprendre que la gestion des mercenaires, en bref, est entre les mains des organisations privées italiennes, tel est le cadre unique dans lequel il faut raisonner. Tandis que la Rai et Mediaset continuent de diffuser les visages doux et souriants des deux jeunes femmes, dans cette affaire, on ne prononce jamais qu’un mensonge éternel.

Roberto saviano - 23.09.04 19:31


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